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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/278

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Napoléon appuyait sa gauche à un mamelon d’un accès fort difficile, que nos soldats d’Égypte nommèrent le Santon, parce qu’il était surmonté d’une petite chapelle dont le toit avait la forme d’un minaret. Le centre français était auprès de la mare de Kobelnitz ; enfin la droite se trouvait à Telnitz. Mais l’Empereur avait placé fort peu de monde sur ce point, afin d’attirer les Russes sur le terrain marécageux où il avait préparé leur défaite, en faisant cacher à Gross-Raigern, sur la route de Vienne, le corps du maréchal Davout.

Le 1er décembre, veille de la bataille, Napoléon, ayant quitté Brünn dès le matin, employa toute la journée à examiner les positions, et fit établir le soir son quartier général en arrière du centre de l’armée française, sur un point d’où l’œil embrassait les bivouacs des deux partis, ainsi que le terrain qui devait leur servir de champ de bataille le lendemain. Il n’existait d’autre bâtiment en ce lieu qu’une mauvaise grange : on y plaça les tables et les cartes de l’Empereur, qui s’établit de sa personne auprès d’un immense feu, au milieu de son nombreux état-major et de sa garde. Heureusement, il n’y avait point de neige, et quoiqu’il fît très froid, je me couchai sur la terre et m’endormis profondément ; mais nous fûmes bientôt obligés de remonter à cheval pour accompagner l’Empereur dans la visite qu’il allait faire à ses troupes. Il n’y avait point de lune, et l’obscurité de la nuit était augmentée par un épais brouillard qui rendait la marche fort difficile. Les chasseurs d’escorte auprès de l’Empereur imaginèrent d’allumer des torches formées de bois de sapin et de paille, ce qui fut d’une très grande utilité. Les troupes, voyant venir à elles un groupe de cavaliers ainsi éclairé, reconnurent aisément l’état-major impérial, et dans l’instant, comme par enchantement, on vit sur une ligne immense tous nos feux de bivouac