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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/283

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AUSTERLITZ.

y suivent ; d’autres espèrent échapper par le chemin qui sépare les deux étangs : notre cavalerie les charge et en fait une affreuse boucherie ; enfin, le plus grand nombre des ennemis, principalement les Russes, cherchent un passage sur la glace des étangs. Elle était fort épaisse, et déjà cinq ou six mille hommes, conservant un peu d’ordre, étaient parvenus au milieu du lac Satschan, lorsque Napoléon, faisant appeler l’artillerie de sa garde, ordonne de tirer à boulets sur la glace. Celle-ci se brisa sur une infinité de points, et un énorme craquement se fit entendre !… L’eau, pénétrant par les crevasses, surmonta bientôt les glaçons, et nous vîmes des milliers de Russes, ainsi que leurs nombreux chevaux, canons et chariots, s’enfoncer lentement dans le gouffre !… Spectacle horriblement majestueux que je n’oublierai jamais !… En un instant, la surface de l’étang fut couverte de tout ce qui pouvait et savait nager ; hommes et chevaux se débattaient au milieu des glaçons et des eaux. Quelques-uns, en très petit nombre, parvinrent à se sauver à l’aide de perches et de cordes que nos soldats leur tendaient du rivage ; mais la plus grande partie fut noyée !…

Le nombre des combattants dont l’Empereur disposait à cette bataille était de soixante-huit mille hommes ; celui des Austro-Russes s’élevait à quatre-vingt-douze mille hommes. Notre perte en tués ou blessés fut d’environ huit mille hommes ; les ennemis avouèrent que la leur, en tués, blessés ou noyés, allait à quatorze mille. Nous leur avions fait dix-huit mille prisonniers, enlevé cent cinquante canons, ainsi qu’une grande quantité d’étendards et de drapeaux.

Après avoir ordonné de poursuivre l’ennemi dans toutes les directions, l’Empereur se rendit à son nouveau quartier général, établi à la maison de poste de Posoritz, sur la route d’Olmütz. Il était radieux, cela se conçoit,