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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/325

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POURSUITE DE L’ENNEMI.

avec force, il me fait perdre l’équilibre. Ma selle tourne sous le ventre du cheval, et me voilà une jambe en l’air et la tête en bas, pendant que le Saxon, s’éloignant au triple galop, va rejoindre les débris de l’armée ennemie. J’étais furieux, tant de la position dans laquelle je me trouvais que de l’ingratitude dont cet étranger payait mes bons procédés ; aussi, dès que l’armée saxonne fut prisonnière, j’allai chercher mon officier de housards afin de lui administrer une bonne leçon ; mais il avait disparu !…

J’ai dit que notre nouvel allié, le grand-duc de Hesse-Darmstadt, avait réuni ses troupes à celles de l’Empereur. Cette brigade, attachée au 7e corps, avait des uniformes absolument pareils à celui des Prussiens ; aussi plusieurs Hessois furent-ils blessés ou tués pendant l’action. Le jeune lieutenant de Stoch, mon ami, était sur le point d’avoir le même sort, et déjà nos housards s’étaient emparés de lui, lorsque, m’ayant reconnu, il m’appela, et je le fis relâcher.

L’Empereur combla de bienfaits le curé d’Iéna, et l’électeur de Saxe, devenu roi, par suite des victoires de Napoléon son nouvel allié, récompensa aussi ce prêtre, qui vécut fort tranquillement jusqu’en 1814, époque à laquelle il se réfugia en France pour échapper à la vengeance des Prussiens. Ceux-ci l’y firent enlever et l’enfermèrent dans une forteresse où il passa deux ou trois ans. Enfin le roi de Saxe ayant intercédé en faveur du curé auprès de Louis XVIII, celui-ci réclama le prêtre comme ayant été arrêté sans autorisation, et les Prussiens ayant consenti à le relâcher, il vint s’établir à Paris.

L’Empereur, victorieux à Iéna, ayant ordonné de poursuivre les ennemis dans toutes les directions, nos colonnes firent un nombre infini de prisonniers. Le roi