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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/328

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

les habitants avaient été témoins de leurs fanfaronnades ; mais ce fut précisément pour cela que l’Empereur ordonna de les y faire passer entre deux lignes de soldats français, qui les dirigèrent par la rue dans laquelle se trouvait l’ambassade de France. Les habitants de Berlin ne désapprouvèrent pas cette petite vengeance de Napoléon, car ils en voulaient beaucoup aux gendarmes nobles, qu’ils accusaient d’avoir poussé le Roi à nous faire la guerre.

Le maréchal Augereau fut logé hors de la ville, au château de Bellevue, appartenant au prince Ferdinand, le seul des frères du grand Frédéric qui vécût encore. Ce respectable vieillard, père du prince Louis, tué naguère à Saalfeld, était plongé dans une douleur d’autant plus sincère, que contrairement à l’avis de toute la cour, et surtout du fils qu’il pleurait, il s’était fortement opposé à la guerre, en prédisant les malheurs qu’elle attirerait sur la Prusse. Le maréchal Augereau crut devoir faire visite au prince Ferdinand, qui s’était retiré dans un palais de la ville ; il en fut parfaitement reçu. Ce malheureux père dit au maréchal qu’on venait de l’informer que son fils cadet, le prince Auguste, le seul qui lui restât, se trouvait aux portes de la ville dans une colonne de prisonniers, et qu’il désirait bien l’embrasser avant qu’on le dirigeât vers la France. Comme son grand âge l’empêchait de se rendre auprès de son fils, le maréchal, certain de ne pas être désapprouvé par l’Empereur, me fit sur-le-champ monter à cheval, avec ordre d’aller chercher le prince Auguste et de le ramener avec moi, ce qui fut exécuté à l’instant.

L’arrivée de ce jeune prince donna lieu à une scène des plus touchantes. Son vénérable père et sa vieille mère ne pouvaient se lasser d’embrasser ce fils, qui leur rappelait la perte de l’autre !… Pour consoler cette