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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/335

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CAMPAGNE DE POLOGNE.

suédoise prise à Lubeck en 1806 par les troupes françaises, proposa le maréchal Bernadotte, dont il rappela la conduite généreuse. Il vanta, en outre, les talents militaires de Bernadotte, et fit observer que ce maréchal était par sa femme allié à la famille de Napoléon, dont l’appui pouvait être si utile à la Suède. Une foule d’officiers, jadis pris à Lubeck, ayant joint leurs voix à celle du général de Mœrner, Bernadotte fut élu presque à l’unanimité successeur du roi de Suède, et monta sur le trône quelques années plus tard.

Nous verrons plus loin comment Bernadotte, porté sur les marches d’un trône étranger par la gloire qu’il avait acquise à la tête des troupes françaises, se montra ingrat envers sa patrie. Mais revenons en Prusse.

En un mois, les principales forces de ce royaume, jadis si florissant, avaient été détruites par Napoléon, qui occupait sa capitale ainsi que la plupart de ses provinces, et nos armées triomphantes touchaient déjà aux rives de la Vistule, cette grande barrière de séparation entre le nord et le centre de l’Europe.

Le corps du maréchal Augereau, resté pendant quinze jours à Berlin pour renforcer la garde pendant le long séjour que l’Empereur fit dans cette ville, en partit vers la mi-novembre, et se dirigea d’abord sur l’Oder, que nous passâmes à Custrin, puis sur la Vistule, dont nous rejoignîmes les rives à Bromberg. Nous étions en Pologne, le plus pauvre et le plus mauvais pays de l’Europe… Depuis l’Oder, plus de grandes routes : nous marchions dans les sables mouvants ou dans une boue affreuse. La plupart des terres étaient incultes, et le peu d’habitants que nous trouvions étaient d’une saleté dont rien ne peut donner une idée. Le temps, qui avait été magnifique pendant le mois d’octobre et la première partie de novembre, devint affreux. Nous ne vîmes plus le soleil ;