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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/352

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

Les Russes, voyant la terre couverte de neige durcie par de très fortes gelées, pensèrent que cette rigueur du temps donnerait aux hommes du Nord un immense avantage sur les hommes du Midi, peu habitués à supporter les grands froids. Ils résolurent, en conséquence, de nous attaquer, et pour exécuter ce projet, ils firent dès le 25 janvier passer derrière les immenses forêts qui nous séparaient d’eux la plupart de leurs troupes, placées en face des nôtres en avant de Varsovie, et les dirigèrent vers la basse Vistule, sur les cantonnements de Bernadotte et de Ney, qu’ils espéraient surprendre et accabler par leurs masses, avant que l’Empereur et les autres corps de son armée pussent venir au secours de ces deux maréchaux. Mais Bernadotte et Ney résistèrent vaillamment, et Napoléon, prévenu à temps, se dirigea avec des forces considérables sur les derrières de l’ennemi, qui, menacé de se voir coupé de sa base d’opérations, se mit en retraite vers Kœnigsberg. Il nous fallut donc, le 1er février, quitter les cantonnements où nous étions assez bien établis pour recommencer la guerre et aller coucher sur la neige.

En tête de la colonne du centre, commandée par l’Empereur en personne, se trouvait la cavalerie du prince Murat, puis le corps du maréchal Soult, soutenu par celui d’Augereau ; enfin venait la garde impériale. Le corps de Davout marchait sur le flanc droit de cette immense colonne, et celui du maréchal Ney à sa gauche. Une telle agglomération de troupes, se dirigeant vers le même point, eut bientôt épuisé les vivres que pouvait fournir le pays ; aussi souffrîmes-nous beaucoup de la faim. La garde seule, ayant des fourgons, portait avec elle de quoi subvenir aux distributions ; les autres corps vivaient comme ils pouvaient, c’est-à-dire manquant à peu près de tout.