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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/373

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ÉPISODE DE LA BATAILLE.

chambre nommé Pierre Dannel, garçon très intelligent, très dévoué, mais un peu raisonneur. Or, il était arrivé, pendant notre séjour à la Houssaye, que Dannel ayant mal répondu à son maître, celui-ci le renvoya. Dannel, désolé, me supplia d’intercéder pour lui. Je le fis avec tant de zèle que je parvins à le faire rentrer en grâce auprès du maréchal. Depuis ce moment, le valet de chambre m’avait voué un grand attachement. Cet homme, qui avait laissé à Landsberg tous les équipages, en était parti de son chef, le jour de la bataille, pour apporter à son maître des vivres qu’il avait placés dans un fourgon très léger, passant partout, et contenant les objets dont le maréchal se servait le plus souvent. Ce petit fourgon était conduit par un soldat ayant servi dans la compagnie du train à laquelle appartenait le soldat qui venait de me dépouiller. Celui-ci, muni de mes effets, passait auprès du fourgon stationné à côté du cimetière, lorsque, ayant reconnu le postillon, son ancien camarade, il l’accosta pour lui montrer le brillant butin qu’il venait de recueillir sur un mort.

Or, il faut que vous sachiez que pendant notre séjour dans les cantonnements de la Vistule, le maréchal ayant envoyé Dannel chercher des provisions à Varsovie, je l’avais chargé de faire ôter de ma pelisse la fourrure d’astrakan noir dont elle était garnie, pour la faire remplacer par de l’astrakan gris, nouvellement adopté par les aides de camp du prince Berthier, qui donnaient la mode dans l’armée. J’étais encore le seul officier du maréchal Augereau qui eût de l’astrakan gris. Dannel, présent à l’étalage que faisait le soldat du train, reconnut facilement ma pelisse, ce qui l’engagea à regarder plus attentivement les autres effets du prétendu mort, parmi lesquels il trouva ma montre, marquée au chiffre de mon père, à qui elle avait appar-