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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/379

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MISSION À FINKENSTEIN.

ni les règlements de poste des pays étrangers, ne savaient plus comment se conduire dès qu’ils avaient passé le Rhin. D’ailleurs, ces messieurs, n’étant pas habitués à la fatigue, se trouvaient bientôt accablés par celle d’un voyage de plus de trois cents lieues, qui exigeait une marche continuelle de dix jours et dix nuits. L’un d’eux poussa même l’incurie jusqu’à laisser voler ses dépêches.

Napoléon, furieux de cette aventure, adressa une estafette à Paris pour ordonner à M. Denniée de ne confier à l’avenir les portefeuilles qu’à des officiers connaissant l’Allemagne et qui, habitués aux fatigues et aux privations, rempliraient cette mission avec plus d’exactitude. M. Denniée était fort embarrassé d’en trouver un, quand je me présentai avec la lettre du maréchal Lannes, me demandant auprès de lui. Enchanté d’assurer le prochain départ des portefeuilles, il me prévint de me tenir prêt pour le jeudi suivant et me remit cinq mille francs pour les frais de poste et pour l’achat d’une calèche, ce qui venait fort à propos pour moi, qui avais peu d’argent pour rejoindre l’armée au fond de la Pologne.

Nous partîmes de Paris vers le 10 mai. Mon domestique et moi étions bien armés, et lorsque l’un de nous était forcé de quitter momentanément la voiture, l’autre la surveillait. Nous savions assez d’allemand pour presser les postillons, qui, me voyant en uniforme, obéissaient infiniment mieux à un officier qu’à des auditeurs ; aussi, au lieu d’être, comme ces messieurs, neuf jours et demi, et même dix jours, pour faire le trajet de Paris à Finkenstein, j’y arrivai en huit jours et demi.

L’Empereur, enchanté d’avoir ses dépêches vingt-quatre heures plus tôt, loua d’abord mon zèle, qui m’avait fait demander à revenir à l’armée malgré mes récentes blessures, et ajouta que puisque je courais si bien la poste, j’allais repartir la nuit même pour Paris,