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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/386

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

heures un trajet égal à celui que ses troupes avaient mis vingt-quatre heures à parcourir, il avait pensé que le corps de Lannes, qu’il trouvait à Friedland, était une avant-garde isolée de l’armée française, et qu’il lui serait facile d’écraser ; quand son illusion s’était dissipée, il était trop tard pour reporter son armée de l’autre côté de l’Alle, parce que le défilé de Friedland lui eût fait éprouver une perte certaine, et qu’il avait préféré combattre avec énergie.

Vers une heure de l’après-midi, les vingt-cinq canons placés à Posthenen ayant tiré tous ensemble par ordre de l’Empereur, la bataille s’engagea sur toute la ligne ; mais notre gauche et notre centre marchèrent d’abord très lentement, afin de donner à la droite, commandée par Ney, le temps d’enlever la ville. Ce maréchal, sortant du bois de Sortlack, s’empara du village de ce nom, d’où il se porta très rapidement sur Friedland, renversant tout sur son passage ; mais dans le trajet du bois et du village de Sortlack aux premières maisons de Friedland, les troupes de Ney, marchant à découvert, se trouvèrent exposées au terrible feu des batteries russes, qui, placées en arrière de la ville sur les hauteurs de la rive opposée, leur firent éprouver des pertes immenses. Ce feu était d’autant plus dangereux que les canonniers ennemis, séparés de nous par la rivière, ajustaient avec sécurité, en voyant que nos fantassins étaient dans l’impossibilité de les attaquer. Ce grave inconvénient pouvait faire manquer la prise de Friedland, mais Napoléon y remédia par l’envoi de cinquante bouches à feu qui, placées par le général Sénarmont sur la rive gauche de l’Alle, tirèrent par-dessus cette rivière contre les batteries russes, et firent pleuvoir sur elles une grêle de boulets, qui les eurent bientôt démontées. Dès que le feu des canons ennemis fut éteint, Ney, continuant sa marche