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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/401

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CONTREBANDE FORCÉE.

était saisie, à déclarer comment elle avait été mise dans ma calèche, et par qui le cachet du 7e léger avait été apposé sur l’enveloppe, car je voulais me préserver de la colère de l’Empereur. Cependant, comme ce moyen de défense aurait compromis l’Impératrice, je pensai qu’il n’en fallait user qu’à la dernière extrémité et faire tout ce qui dépendrait de moi pour que ma calèche ne fût pas visitée. Le hasard et un petit subterfuge me tirèrent de ce mauvais pas ; voici comment.

J’arrivais tout soucieux au pont du Rhin qui sépare l’Allemagne de Mayence, et mon inquiétude était augmentée par une grande réunion de chefs de la douane, d’officiers et de troupes en grande tenue qui attendaient à ce poste avancé, lorsque le factionnaire ayant, selon l’usage, arrêté ma voiture, deux hommes se présentent simultanément aux deux portières, savoir, un douanier pour procéder à la visite, et un aide de camp du maréchal Kellermann, commandant à Mayence, pour s’informer si l’Empereur arriverait bientôt. — Voilà qui est parfait, me dis-je à part moi, et feignant de ne pas voir le douanier inquisiteur, je réponds à l’aide de camp : « L’Empereur me suit !… » Je ne mentais point, il me suivait, mais à deux jours de distance… ce que je jugeai inutile d’ajouter !…

Mes paroles ayant été entendues de tous les assistants, les jetèrent dans un fort grand émoi. L’aide de camp s’élance à cheval, traverse le pont au galop, au risque de se précipiter dans le Rhin, et court prévenir le maréchal Kellermann. La garde prend les armes ; les douaniers et leurs chefs cherchent à se placer le plus militairement possible pour paraître, convenablement devant l’Empereur, et, comme ma voiture les gênait, ils disent au postillon de filer… et me voilà hors des griffes de ces messieurs !… Je gagne la poste et fais promptement