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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/43

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SORÈZE.

tard une pépinière de maîtres de toutes les sciences et de tous les arts. Enfin, la facilité de faire donner des leçons à très bon compte ayant amené à Sorèze l’établissement de plusieurs pensionnats de demoiselles, cette petite ville devint remarquable en ce que les hommes, les femmes de la société, et jusqu’aux plus simples marchands, possédaient une instruction étendue et cultivaient tous les beaux-arts. Une foule d’étrangers, surtout des Anglais, des Espagnols et des Américains, venaient s’y fixer pour quelques années, afin d’être près de leurs fils et de leurs filles pendant la durée de leur éducation.

L’Ordre des Bénédictins était généralement composé d’hommes fort doux ; ils allaient dans le monde et recevaient souvent ; aussi étaient-ils fort aimés, ce qui fut d’une très grande utilité à ceux de Sorèze lorsque la Révolution éclata. L’établissement avait alors pour principal dom Despod, homme du plus grand mérite, mais qui, n’ayant pas cru devoir prêter le serment civique exigé des membres du clergé, se retira, passa plusieurs années dans la retraite et fut plus tard nommé par l’Empereur à l’un des principaux emplois de l’Université. Tous les autres Bénédictins de Sorèze s’étaient soumis au serment : dom Ferlus devint principal, dom Abal sous-principal, et le collège, malgré la tourmente révolutionnaire, continua à marcher, en suivant l’excellente impulsion que lui avait imprimée dom Despaulx. Enfin, une loi ayant ordonné la sécularisation des moines et la vente de leurs biens, l’établissement allait tomber. Mais tous les hommes importants du pays avaient été élevés à Sorèze et désiraient qu’il en fût de même pour leurs enfants ; les habitants de la ville, les ouvriers, les paysans eux-mêmes, vénéraient les bons Pères et comprirent que la destruction du collège amènerait la ruine de la