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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/49

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SORÈZE.

tisme le plus pur ; on chantait des hymnes nationaux, et lorsqu’ils visitaient les classes, surtout celles d’histoire, on trouvait toujours l’occasion d’amener quelques tirades sur l’excellence du gouvernement républicain et les vertus patriotiques qui en dérivent. Il me souvient à ce propos que le représentant Chabot, ancien Capucin, me questionnant un jour sur l’histoire romaine, me demanda ce que je pensais de Coriolan, qui, se voyant outragé par ses concitoyens, oublieux de ses anciens services, s’était retiré chez les Volsques, ennemis jurés des Romains. Dom Ferlus et les professeurs tremblaient que je n’approuvasse la conduite du Romain ; mais je la blâmai en disant : « Qu’un bon citoyen ne devait jamais porter les armes contre sa patrie, ni songer à se venger d’elle, quelque justes que fussent ses sujets de mécontentement. » Le représentant fut si content de ma réponse qu’il me donna l’accolade et complimenta le chef du collège et les professeurs sur les bons principes qu’ils inculquaient à leurs élèves.

Ce petit succès n’affaiblit pas la haine que j’avais pour les conventionnels, et tout jeune que j’étais, ces représentants me faisaient horreur ; j’avais déjà assez de raison pour comprendre qu’il n’était pas nécessaire de se baigner dans le sang français pour sauver le pays, et que les guillotinades et les massacres étaient des crimes affreux.

Je ne vous parlerai pas ici du système d’oppression qui régnait alors sur notre malheureuse patrie : l’histoire vous l’a fait connaître ; mais quelque fortes que soient les couleurs qu’elle a employées pour peindre les horreurs dont les terroristes se rendirent coupables, le tableau sera toujours bien au-dessous de la réalité. Ce qu’il y a surtout de plus surprenant, c’est la stupidité avec laquelle les masses se laissaient dominer par des