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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/54

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MÉMOIRES DU GÉNÉRAL DE MARBOT.

réitéré de livrer bataille, résolut de le destituer ; mais, comme il craignait que ce général en chef ne tînt pas compte de cette destitution et ne la mît dans sa poche, si on la lui adressait par un simple courrier, le ministre de la guerre reçut l’ordre d’envoyer en Suisse un officier d’état-major chargé de remettre publiquement à Masséna sa destitution et au chef d’état-major Chérin des lettres de service qui lui conféreraient le commandement de l’armée. Le ministre Bernadotte, ayant fait connaître confidentiellement ces dispositions à mon père, celui-ci les désapprouva en lui faisant comprendre ce qu’il y avait de dangereux, à la veille d’une affaire décisive, de priver l’armée de Suisse d’un général en qui elle avait confiance, pour remettre le commandement à un général plus habitué au service des bureaux qu’à la direction des troupes sur le terrain. D’ailleurs, la position des armées pouvait changer : il fallait donc charger de cette mission un homme assez sage pour apprécier l’état des choses, et qui n’allât pas remettre à Masséna sa destitution, à la veille ou au milieu d’une bataille. Mon père persuada au ministre de confier cette mission à M. Gault, son aide de camp, qui, sous le prétexte ostensible d’aller vérifier si les fournisseurs avaient livré le nombre de chevaux stipulés dans leurs marchés, se rendit en Suisse avec l’autorisation de garder ou de remettre la destitution de Masséna et les lettres de commandement au général Chérin, selon que les circonstances lui feraient juger la chose utile ou dangereuse. C’était un pouvoir immense confié à la prudence d’un simple capitaine ! M. Gault ne démentit pas la bonne opinion qu’on avait eue de lui. Arrivé au quartier général de l’armée suisse cinq jours avant la bataille de Zurich, il vit les troupes si remplies de confiance en Masséna, et celui-ci si calme et si ferme, qu’il ne douta pas du succès, et gardant le plus profond