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Page:Mémoires du Baron de Marbot - tome 1.djvu/61

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ENTRÉE AU SERVICE.

de l’envoyer périr d’ennui à bord d’un vaisseau enfermé dans la rade de Toulon ! » Mon père, qui avait été séduit un moment par la proposition du capitaine Sibille, avait un esprit trop juste pour ne pas apprécier le raisonnement de Mme Barairon. ― « Eh bien, me demanda-t-il, veux-tu venir en Italie avec moi et servir dans l’armée de terre ?… » Je lui sautai au cou et acceptai avec une joie que ma mère partagea, car elle avait combattu le premier projet de mon père.

Comme alors il n’existait plus d’école militaire, et qu’on n’entrait dans l’armée qu’en qualité de simple soldat, mon père me conduisit sur-le-champ à la municipalité du Ier arrondissement, place Beauvau, et me fit engager dans le 1er régiment de housards (ancien Bercheny), qui faisait partie de la division qu’il devait commander en Italie ; c’était le 3 septembre 1799.

Mon père me mena chez le tailleur chargé de faire les modèles du ministère de la guerre et lui commanda pour moi un costume complet de housard du 1er, ainsi que tous les effets d’armement et d’équipement, etc., etc… Me voilà donc militaire !… housard !… Je ne me sentais pas de joie !… Mais ma joie fut troublée, lorsqu’en entrant à l’hôtel, je pensai qu’elle allait aggraver la douleur de mon frère Adolphe, âgé de deux ans de plus que moi et campé au collège comme un enfant ! Je conçus donc le projet de ne lui apprendre mon engagement qu’en lui annonçant en même temps que je voulais passer avec lui le mois qui devait s’écouler avant mon départ. Je priai donc mon père de me permettre que je fusse réinstallé près d’Adolphe, à Sainte-Barbe, jusqu’au jour où nous nous mettrions en route pour l’Italie. Mon père comprit parfaitement le motif de cette demande ; il m’en sut même très bon gré, et me conduisit le lendemain chez M. Lanneau.