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Éloge historique de M. A. Thouin.

sorte. Personne n’a su se donner autant que lui sur ses subordonnés, ce genre d’autorité que l’amour et le respect prennent sur les cœurs : ses moindres signes étoient des ordres ; nulle fatigue ne coûtoit pour répondre à ses désirs, mais c’est que rien ne lui coûtoit non plus pour servir ceux en qui il reconnoissoit du mérite et du zèle. Il leur accordoit les mêmes soins que jadis il avoit donnés à ses frères ; et c’est ainsi que demeuré célibataire il n’en exerça pas moins pendant toute sa vie les devoirs et jouit des plaisirs d’un père de famille, sans en avoir les chagrins.

L’égalité d’humeur qui devoit résulter d’une existence si douce se montra dans tous ses rapports avec les hommes ; il n’a jamais eu de ces discussions, qui ont répandu tant d’amertume sur la vie de quelques savans. Ses leçons ressembloient à ses actions : simples, mais substantielles, on n’y apercevoit d’autre tendance que celle d’être utile. Sa description des cultures du Jardin du Roi a fait connoître un beau monument des sciences ; son traité des greffes a étendu les idées que l’on se faisoit de cette disposition. Sans ennemis, sans rivaux, sans critiques, il est arrivé paisiblement au terme d’une vie longue et honorable. Les souffrances d’une maladie singulière, le prurit sénile, ont seules troublé ses derniers jours. Il s’est endormi le 23 septembre 1824, au milieu de parens, d’amis, d’élèves qui le chérissoient et dont sa sollicitude avoit assuré l’avenir, qui ne perdoient à sa mort que le bonheur de lui exprimer sa reconnoissance. Heureux les hommes qui ont une telle vie et une telle fin !