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BLANCHE


Dans ces murs bien des cœurs brisés viènent chercher
Le repos et l’oubli d’un rève inefaçable ;
Et, come il est souvent trop cruel de cacher
Les souvenirs brûlants dont le poids nous acable,
Plus d’une a dans mon àme épanché ses douleurs,
Et je conais le monde et l’amour par leurs pleurs.

Ma sœur, sauveras-tu de l’implacable orage
Ce lis immaculé qi fleurit dans ton cœur ?
D’invisibles dangers t’atendent au passage,
Et les anges de Dieu tombent par leur candeur.
Mais je tremble surtout qe ta beauté céleste
Ne deviène, en ce monde impie, un don funeste.

— Mais pour ange gardien j’aurai ton souvenir,
Répondit Madelène ; et puis qi peut conaitre
Ce q’en son sein fécond nous garde l’avenir ?
Dans ce monde maudit je trouverai peut-ètre
L’amour, cet idéal flambeau dont notre cœur
Illumine toujours ses rèves de boneur. »

Sans q’èle sùt pourqoi, Blanche, à cète pensée,
Sentit d’un voile épais ses regards se couvrir ;
Un poids lourd étouffa sa poitrine opressée,
Et de son sein gonflé sortit un long soupir,
Et, son cœur débordant come une coupe plène,
Èle couvrit de pleurs les mains de Madelène.

Madelène partit le lendenlain. Longtemps
Blanche suivit des ieus sur la vague lointaine
Le vaisseau disparu dans les brouillards flotants,
Et puis, dans la cèlule où vivait Madelène,
Prosternée, inonda de pleurs et de baisers
La place où tant de fois ses pieds s’étaient posés.