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BLANCHE


Puis, dans les mornes nuits q’obsédait un seul rève,
Des macérations austères, des combats,
Des retours acablants et des remords sans trève,
Des prières, des pleurs, qe Dieu n’exauçait pas ;
Désespoirs infinis, lutes intérieures
Sans éco, sans témoin, pendant les longues eures.

Enfin, èle voulut passer seule, à genous,
Au milieu de l’Église, une nuit tout entière.
Son confesseur, vieu prètre au front austère et dous,
Devait, le lendemain matin, à sa prière,
Venir l’i retrouver, pour aprendre un dessein
Qe Dieu mème avait fait éclore dans son sein.

La lampe de l’autel, parmi les grandes ombres,
Projetait la lueur de ses rayons tremblants.
Blanche s’agenouilla sous les arcades sombres,
Plus pàle qe les morts, dans son voile aus plis blancs ;
Et, pendant cète nuit, sous les noires ogives,
Èle eut, come Jésus, son jardin des Olives.

« Seigneur, dit-èle, vous qi lisez dans mon cœur,
Dont la miséricorde est pour tous infinie ;
Qi, dans ces murs sacrés, sous votre œil protecteur,
Éleviez autrefois ma jeunesse bénie,
Au nom de votre Fils, pour nous crucifié,
Jetez sur moi, Seigneur, un regard de pitié !

Seigneur, j’avais rèvé pour moi ces saintes flàmes,
Reflets de votre ciel, qi doublent le boneur ;
Cet amour chaste et pur, cet imen de deus àmes
À tout être promis… Était-ce trop, Seigneur ?
Ce boneur, pour moi seule, en un crime se change,
Et le mauvais esprit prend la forme d’un ange.