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BLANCHE


« Blanche, plains-moi, je meurs écrasée, abatue
« Par le mépris du monde. Oh ! depuis qelqes jours,
« Je conais bien l’amour, l’abandon qi nous tue,
« La jalousie ! Ô Blanche ignore-la toujours !
« Je reviens au couvent, chercher, non l’espérance,
« Mais le calme et le droit de pleurer en silence.

« Pour une erreur d’un jour, j’ai tant soufert, hélas !
« Qe Dieu m’acordera mon pardon, je l’espère… »
Blanche jeta la lètre et ne l’acheva pas :
Èle était arivée en haut de son calvaire.
La revoir ! mais le cœur en deuil, portant sa crois,
Triste, flétrie, au lieu de l’ange d’autrefois !

Dès lors, dans sa cèlule, en silence, immobile,
Morne, les ieus tournés vers les flots de la mer,
Plus pàle q’autrefois, èle semblait tranqile
Et sentait fuir la vie ; et, come aus vents d’iver
Se penchent lentement les fleurs étiolées,
Èle atendait la fin des eures désolées.

Come un libérateur qi lui tendait les bras,
Èle voyait la mort sans regrets, sans alarmes.
Parfois, se relevant, èle disait tout bas
Au vieu prètre, genous près d’èle et tout en larmes
« Ô mon père ! surtout q’èle ignore à jamais
Pourqoi je vais mourir et combien je l’aimais !

Un matin, de ses sœurs en prière entourée,
Sur ses lèvres pressant une crois de bois noir,
Blanche mourut serène et come délivrée.
Madelène trop tard ariva pour la voir
Et ne put recueillir sa dernière parole
Et le baiser de pais de l’àme qi s’envole.