Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/135

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ne peut vouloir de la liberté européenne. Elle n’apaiserait pas ainsi la soif de son âme. D’ailleurs les temps sont changés.

Mais je le répète, la vie de l’avenir appartient à l’avenir, — je regarde le présent. Le présent c’est la lutte pour la vie et la mort, la lutte de la vie contre la mort.

Et tous ceux qui luttent pour la vie, des forts aux faibles, des éclairés aux obscurs sont également justifiés même de leur faute humaine et divine, du meurtre qui pèse plus lourdement sur celui qui est plus homme, plus proche de l’avenir. De cela même ils sont justifiés.

Le jeune Morosoff qui fut pendu s’est repenti et a pleuré. Pourquoi ? De peur aussi sans doute. Mais que savons-nous et que savait-il lui-même ? S’il s’était heureusement évadé, pourrions-nous affirmer qu’il se serait toujours senti léger, juste et heureux ? N’aurait-il pas eu à souffrir de cette lourde pierre, cette pensée humaine muette et d’autant plus pesante que l’âme est plus large : « Je ne veux pas tuer. Je n’aime pas tuer. Je ne l’ai pas voulu. On ne peut pas tuer. » Il le faut et on ne peut pas. On ne le peut pas et il le faut.

Tous ceux qui sont engloutis par le remous de l’histoire, à l’heure du changement du vieux corps en un nouveau portent en eux cette