Page:Mérejkowsky, Hippius, Philosophoff - Le Tsar et la Révolution, 1907.djvu/206

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vement cette figure, on y découvre un mélange extraordinaire de sagesse mystérieuse, de curiosité hardie, presque impudique, avec une naïveté enfantine et une ruse innocente — le mélange d’Akakï Akakievitch avec le Grand Inquisiteur.

Comment s’est formé ce mélange ? Comment la brebis, se changea-t-elle en lion, en ennemi de Dieu ou plus exactement en ennemi du Christ ? Ce n’est pas, en effet, contre Dieu le Père, mais seulement contre le Fils de Dieu, que lutte Rosanov.

Ici la même question se pose que pour Nietzsche, mais plus profonde.

Avant tout il faut comprendre que la lutte de Rosanov contre le Christ n’a pas de précédent dans tout le christianisme. Jusqu’ici les reniements du Christ avaient pour cause, soit le satanisme — pervertissement religieux qui met le Diable à la place de Dieu — soit le rationalisme, révolte de la raison humaine contre la folie de la Croix.

Dans l’apostasie de Rosanov il n’y a rien de pareil. Jamais il ne fut séduit par la science des profondeurs sataniques. Il souffre non de l’excès, mais plutôt du manque de cette science. Le mal ne le tente qu’empiriquement et ce qui métaphysiquement le séduit le plus, c’est le retour au paradis perdu, à l’âge d’or, à cette innocence d’enfant qui ne veut pas le mal parce qu’elle ne le connaît pas.