Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/104

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une campagne féroce contre Clemenceau et Aristide Briand. Elle avait alors un certain retentissement — et s’affirmait plutôt nationaliste et antisémite. Elle a sensiblement changé par la suite, en devenant quotidienne.

Or, l’Œuvre s’était avisée d’ouvrir, elle aussi, son petit concours. Et elle demandait à ses lecteurs : « Doit-on le dire ? » De quoi s’agissait-il ? D’une aventure un peu scabreuse, survenue dans sa jeunesse au ministre Briand. Journaliste et militant socialiste, il avait eu la malchance de se faire pincer en galante compagnie, par un garde-champêtre incorruptible. Vous voyez ça d’ici. En réalité, et si j’ose m’exprimer de la sorte il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Mais les adversaires s’emparèrent de l’incident qu’ils grossirent démesurément et poursuivirent l’homme public de leurs sarcasmes.

Naturellement, nous ne rations pas une occasion de rappeler ce malencontreux incident. J’ai écrit là-dessus je ne sais combien de pages facétieuses qui sont, je le déclare franchement, parmi celles que je regrette aujourd’hui. On pouvait combattre le ministre, qui venait d’abandonner le parti socialiste, de toute autre façon, avec d’autres armes et d’autres arguments.

Mais, à ce moment-là, on n’y regardait pas de si près. Et, toujours dans le désir d’être agréable à Briand, l’Œuvre réclamait les lumières de ses lecteurs. Fallait-il fouiller dans la vie privée de l’homme d’État ? Fallait-il rappeler la mésaventure qui le signalait à l’attention à l’aurore de sa carrière politique ? En un mot : Fallait-il le dire ?

Et, en même temps qu’elle annonçait son concours. l’Œuvre répondait au nôtre, comme voici :

Doit-on le tuer ? demande la Guerre Sociale.

Doit-on le dire ? demande l’Œuvre.

Réponse : on doit le tuer ; on ne doit pas le dire.