Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/121

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Cet accord, sur un problème déterminé ne devait pas durer longtemps. Mais pendant tout le Congrès de Nîmes, ce fut une idylle. Les insurrectionnels étaient d’ailleurs divisés. Hervé, Jobert (nous aurons l’occasion de reparler de ce produit de l’allemanisme) et moi-même marchions à fond contre les retraites ouvrières. Louis Perceau, également rédacteur à La Guerre Sociale, se tenait aux côtés de Vaillant et de Renaudel. Sembat prononça un joli discours, tout à fait spirituel. Mais un instant, il fut « possédé » par Hervé. S’adressant à ce dernier, il lui disait :

— Je vous vois sourire, Hervé.

— Je souris, en effet, répliqua l’autre, parce que, derrière vous, je lis ce que vous ne pouvez lire. Et je songe aux vestes prochaines que va récolter le parti.

Et tout le Congrès de se tordre. Derrière Sembat, au fond, sur la toile, on pouvait lire ceci : « Complets solides. Vestes à bon marché !… » Pour la première et seule fois, je vis Sembat embarrassé. Il ne comprenait pas les raisons du rire qui se déchaînait.

J’eus alors la malencontreuse idée de prendre la parole. Je produisis quelques chiffres, mais je crois bien que je m’égarai dans mes calculs. Alors je me rattrapai avec des calembours. Je parlai du bateau des retraites ouvrières et j’esquissai mon regret de voir s’embarquer dans ce bateau Sembat le Marin… On rit. Après ce succès équivoque, je descendis et je passai près de Jaurès qui levait les bras au ciel et me dit : « Mon ami, c’est effroyable ! Vous avez une façon d’argumenter !… » Quant à Sembat, moitié figue, moitié raisin, il me murmura : « Vous nous avez asséné des chiffres formidables. Je ne vous croyais pas si versé dans la statistique. »

Un instant après, c’était Fiancette, aujourd’hui conseiller municipal, qui parlait. Fiancette, syndicaliste, se