Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/160

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plus cruelles à la Patrie que la trahison de Jaurès lui-même. C’est en vouant ces mœurs au mépris de la France, c’est en nous refusant à les pratiquer et même à les tolérer, c’est en accordant nos actes à nos paroles que nous nous sommes fait tant d’ennemis puissants ! Mais la fidélité, la fermeté, la constance des amitiés qui nous suivent ont coulé de la même source. On sait que notre politique n’est pas de mots. »

Cela était écrit le 18 juillet 1914, trois semaines avant l’assassinat de Jaurès. Pour une fois, Maurras avait dit vrai. Sa politique n’était pas de mots.

Mais j’ai gardé, pour l’épingler à part, la conclusion de cet article meurtrier. La voici, dans toute sa splendeur :

Au réalisme des idées correspond le sérieux des actes.

Le sérieux des actes ! C’était clair. La menace n’était même pas déguisée. On commençait par accuser Jaurès de trahison. On s’appuyait sur un texte tronqué de Jules Guesde pour laisser croire que les propres camarades du tribun le considéraient comme un traître. On en appelait aux « pommes cuites ». Et puis le trait de la fin. Pas de mots. Le sérieux des actes.

Naturellement, de telles exhortations ne tombaient pas dans l’oreille de sourds (quoique venant d’un sourd). Un triste minus habens, macéré dans l’onanisme et fabriqué par les bons pères, absorbe cette prose. Il comprend, il croit comprendre. Jaurès, un traître. Jaurès, l’ennemi de la Patrie ! Jaurès, l’Allemagne ! Et nul ne se lève pour le châtier. Alors il s’arme d’un revolver, guette