Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un tapage infernal. Bien mieux. Vers les minuit et demi, heure des derniers véhicules de transport en commun, toute la bande redescendit le boulevard en rangs épais, les talons sonnant sur le pavé. Pas de police. Rien. Un Quartier Latin calme, d’une paix inexplicable.

Cette soirée fut, pour ces messieurs de la Royale, comme nous disions, une véritable déroute morale. La preuve était établie qu’il suffisait de leur résister sérieusement et qu’ils n’avaient, jusqu’alors, triomphé que grâce à l’apathie et au manque d’organisation de leurs adversaires.

Il y eut, pourtant, un mécontent : le patron de la Chope Latine. Quelques soirs après cette affaire comme je m’installais à la terrasse avec des amis, le brave homme vint vers moi, levant les bras au ciel :

— Monsieur, je vous en prie, allez-vous-en… Je ne puis vous servir.

— Mais…

— Non. Impossible. Allez-vous-en. On a tout cassé, l’autre jour, chez moi. Et vous êtes un des chefs…

— Mais, pas du tout… je n’ai fait que suivre…

— Monsieur, je vous en supplie… allez-vous-en… Il suffirait que les autres vous voient pour que ça recommence.

Je me mis à rire, follement amusé.

— Laissez-moi au moins régler ces demis.

— Non… non… je vous les offre… J’aime mieux vous les offrir… Mais, de grâce, allez-vous-en.

Alors, nous nous levâmes, toujours riant, escortés par les excuses du patron affolé, et nous allâmes nous asseoir ailleurs.

C’est ainsi que, par la faute des Jeunes Gardes, je devins un consommateur « indésirable » de la Chope Latine.