Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/27

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— Voyez, mon ami, l’étrangeté de ce couchant dont les aspects se modifient de minute en minute…

Et il s’en va, de son pas hardi, ses talons sonnant, du rêve dans les yeux. Sa besogne est accomplie. Il a parlé quand il a jugé que c’était utile. Que lui réclame-t-on encore ?

Un soir, je le vis arriver à Paris, paisible et souriant. Il me confia :

— Mon cher ami, j’ai beaucoup voyagé et je viens de m’apercevoir que je n’avais pas vu le plus intéressant.

— Quoi donc ? Vous allez repartir ?

— Oui, pour un grand voyage. Je suis en train de visiter Paris. C’est inouï ce qu’on peut y découvrir.

Il avait parcouru l’Orient, traversé le Canada, vécu parmi les Indiens. Il avait franchi des fleuves et des mers, grimpé les flancs des montagnes, pataugé dans les neiges éternelles. Et, tout à coup, ce Parisien de Paris, ce fils de bourgeois parisiens, poussé sur le pavé, s’avisait que le plus beau des voyages était celui qu’il tentait dans sa capitale. Et il montait vers Belleville, redescendait à la Glacière, poussait vers Grenelle, rejoignait la Butte… à chaque pas émerveillé, tout heureux, plein de la joie d’un enfant qui aurait un jouet nouveau. Paris, Paris ! Pourquoi aller si loin ? interrogeait-il.

Certes, en le voyant circuler dans les rues, son bâton à la main, très droit, la tête haute, la barbe flottante, les passants ne se doutaient point que cet homme était le plus redoutable polémiste et le plus échevelé fantaisiste de notre époque. S’en doute-t-il lui-même ? Mais les années qui viennent mettront chacun à sa place.

Dans les anthologies qui se préparent, parmi les rangs de nos plus purs écrivains, le nom de Zo d’Axa, grand vagabond, grand pamphlétaire, grand révolté, s’inscrira en lettres flamboyantes.