Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cepta de donner hebdomadairement une chanson d’actualité. Ce qu’il put, au cours de près de deux années, dépenser de verve primesautière et vengeresse, c’est inimaginable. Ces « chansons de la semaine » faisaient le tour du Paris ouvrier et révolutionnaire. On les répétait à l’atelier, dans la rue, les soirs de meeting houleux… Ce n’était plus le patois du paysan de la Beauce. C’était le jargon pittoresque de Gavroche. Tour à tour gouailleur, acerbe, plaintif, mélancolique, enjoué, révolté, il incarnait la chanson française, directe, malicieuse, pétillante et, parfois, meurtrière.

En même temps, je l’embauchais dans un petit hebdomadaire que je venais de lancer : La Barricade. Une feuille terrible qui déclarait une guerre sans merci aux hommes comme aux institutions.

J’avais, comme collaborateur, Maurice Allard, qui fut longtemps député du Var et qui, au Congrès socialiste de Toulouse, colla au front du ministre Clemenceau — le Clemenceau de Narbonne et de Draveil-Villeneuve — cette étiquette ineffaçable : Malfaiteur public. À côté de lui, André Morizet, aujourd’hui sénateur de la Seine. À nous trois, nous emplissions les huit pages de ce brûlot dont la couverture était illustrée par Aristide Delannoy, l’un des plus puissants satiristes du crayon de l’époque.

La Barricade eut quelques mois de glorieuse existence, puis elle dut disparaître, faute du nerf de la guerre. Durant tout le temps de sa parution, Couté y donna poésies et chansons. Ces œuvres-là sont à peu près ignorées. En feuilletant la collection, je retrouve cette « Semaine rimée » à l’adresse du président Fallières, qui venait de gracier un immonde assassin militaire, condamné à la fusillade, pour ne pas obliger, disait-il, nos petits soldats à se transformer en bourreaux :