Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/45

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on le jette dans une voiture, on lui crie : à demain ! Et le soir, tout est dit. Le Néant l’a repris.

Il y a, pourtant, des compagnons qui se souviennent.

Ce petit gas, maigriot, aux regards de flamme, aux lèvres pincées, était un grand poète. Il allait chantant, les gueux des villes et des champs, dans son jargon savoureux, avec son inimitable accent du terroir. Il flagellait les tartuferies, magnifiait les misères, pleurait sur les réprouvés et sonnait le tocsin des révoltes. Un grand poète, vous dit-on. Comment se fait-il qu’il ne demeure rien de son œuvre que des chansons éparses, des couplets qu’on fredonne ? Ah ! c’est bien simple. Le pauvre petit poète cédait ses productions, au fur et à mesure, pour quelques sous. Et il n’en entendait plus parler.

Il s’est trouvé un éditeur cependant, Ondet, pour promettre d’éditer en volume les œuvres de Couté. Elles devaient paraître, voici des années déjà, et nous les attendions avec impatience. Puis le poète a disparu. La guerre a sauté sur nous comme un animal malfaisant. Et plus rien. On a enseveli dans l’oubli le « gas qu’a mal tourné »[1].


  1. Depuis que ces lignes ont été écrites, l’éditeur Rey a publié en un superbe volume, les chansons et poésies de Couté. Mais le livre est incomplet et la préface consacrée au poète, assez malencontreuse. On attend toujours le bouquin populaire et définitif à mettre entre les mains de tous ceux que chanta Couté.