Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/51

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Alors, n’est-ce pas ? il faut bien, tout de même, les recevoir, les héberger, sauvegarder de précieuses existences. Après tout, ce sont des hommes, et la guerre a ses exigences. Et puis, n’est-il pas possible de s’arranger, de faire même des affaires, de bonnes petites affaires ? Et l’on voit se profiler les silhouettes répugnantes des profiteurs. Thénardier se met de la partie.

Il y a, à ce moment, dans le récit, une sorte de tragi-comédie. Une pauvre fille de boniche a appris la mort de son fiancé, tué dans un combat. Elle a juré de se venger sur le premier Prussien qu’elle rencontrera. Aussi, dès que les soldats allemands sont installés dans Versailles, toute la famille connaît-elle une mortelle inquiétude.

Si la bonne allait tenir son serment ! Si elle tentait un mauvais coup ! Quelles représailles féroces ne pourrait-on redouter ? À la vérité, la malheureuse fille, terrorisée, s’avère incapable d’un seul geste de simple résistance. N’importe. On craint qu’elle ne tue, par le poignard ou par le poison. Et on la surveille, on la supplie, on la menace. Ici, nous touchons au tréfonds de la lâcheté et de l’égoïsme.

Cet épisode du roman a été utilisé au théâtre. Avec la collaboration de Lucien Descaves, Darien en a tiré une pièce : Les Chapons, qui provoqua un scandale, souleva les honnêtes gens et occasionna de terribles batailles.

Si j’ai insisté sur ce livre, le meilleur peut-être de l’auteur, c’est pour bien marquer la manière de Georges Darien. Je crois que j’ai pu, sans exagération, le qualifier de chef-d’œuvre. Quiconque consentira à lire ces pages enfiévrées m’infligera un démenti s’il l’ose.

Un beau jour, Darien se lança à corps perdu dans la