— Les végétariens sont des malfaiteurs, des incomplets…
— Le végétalisme n’est qu’un succédané du végétarisme, une pâle copie.
Tout doucement, je fis observer :
— J’ai connu autrefois, dans les milieux libertaires, ce qu’on appelait le « sauvagisme ». Les sauvagistes étaient beaucoup plus forts que vous. Ils enseignaient que l’herbe crue était la nourriture tout indiquée de l’homme. Ils ne touchaient ni à la viande, ni au poisson, ni aux œufs, ni même à certains fruits. Ils condamnaient la cuisine et la cuisson. De plus ils appartenaient à la grande famille des « naturiens » qui prétendent revenir aux pratiques purement naturelles. L’un d’eux, qui a fini par sombrer dans le catholicisme, après avoir tâté de la théosophie et du bouddhisme, marchait pieds nus sous prétexte que le cuir des chaussures était emprunté à nos frères inférieurs.
Cette petite digression les laissa rêveurs. Mais, bientôt, la discussion reprit de plus belle :
— Kropotkine a dit…
— On trouve dans Reclus…
Ils s’animaient de plus en plus, haussaient le ton, passaient à l’invective. Nous dûmes intervenir.
— Voyons, camarades… vous n’y songez plus… Si vous commencez à vous accrocher ainsi, vous n’arriverez jamais à Moscou.
Ils se calmèrent peu à peu. On sortit prendre l’air. Nous les quittâmes dans la soirée, à la gare. Ils poursuivirent leur route. Ils marchaient vers leur destinée. Je ne devais plus les revoir.
Cologne. Promenade le long du Rhin. Stations devant