Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/73

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— Bien… Très bien !… Ya !

La matinée s’écoula ainsi. L’heure du déjeuner s’envola. J’avais des crampes à l’estomac. Mais la Révolution était en marche.

Quand il eut fini de donner ses instructions détaillées à ses lieutenants, dont quelques-uns disparurent soudainement et mystérieusement — je ne jurerai pas qu’ils ne s’étaient enfoncés dans les murs — l’ex-dictateur hongrois daigna s’occuper de ma personne. Il fit signe à Révo et se mit à lui parler avec volubilité. L’autre me regardait de côté, secouait la tête, s’agitait. Enfin, il se tourna tout à fait vers moi :

— Voilà, fit-il, le camarade Bela Kun voudrait avoir une petite conversation avec vous. Mais il ne comprend pas le français. Alors je vais vous transmettre ses questions.

Les questions n’avaient pas grand intérêt. Bela Kun (qu’on peut traduire par Belle Lune) me demandait des nouvelles de tel ou tel camarade qu’il avait connu à Moscou. Il voulait avoir mon avis sur le fameux Comité de la Troisième Internationale que d’aucuns prétendaient supprimer, que d’autres entendaient conserver. Je répondis en quelques mots que Révo traduisit. Chose curieuse, en passant par la bouche de l’interprète ces quelques mots devenaient un véritable discours. Ça ne finissait plus. Je ne m’imaginais pas, vraiment, en avoir dit aussi long.

Enfin, le dictateur aborda un problème très grave. Révo, sur ses indications, me posa la question suivante :

— Que comptez-vous faire avec les soldats français de l’occupation ?

Je le devisageai avec effarement. Ce que je comptais faire ? Que le diable m’emporte si j’avais là-dessus la moindre idée. Je me souciais bien des soldats et de l’oc-