Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/84

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Je passai une nuit assez pénible. Je commençais à comprendre qu’il était peut-être plus facile d’entrer en Allemagne que d’en sortir. D’autant qu’après le mouvement révolutionnaire qui venait d’avorter, on devait surveiller la frontière. Et moi qui, sans la moindre hésitation, avais signé des appels furieux, des manifestes incendiaires. Si jamais les autorités militaires mettaient la main sur moi, ça allait faire du joli !

Après le déjeuner, on tint une sorte de conseil de guerre auquel assistait un deuxième camarade, celui-là chauffeur de taxi. Il fut décidé que je demeurerais caché toute la journée et que, le soir venu, on agirait. R… m’expliqua son plan.

— Nous allons nous rendre dans un petit village, à quelques kilomètres d’ici, sur la Moselle… Nous louerons une barque et, vers les minuit, nous traverserons la rivière.

— Il n’y a pas de danger ?

— Je ne pense pas… Les nuits sont noires. Les douaniers sont occupés ailleurs… Avec un peu de chance !… Et puis, pas moyen de faire autrement.

La journée s’étira lentement, lentement. Enfin, vers les huit heures du soir, le camarade chauffeur vint nous chercher. Nous grimpâmes dans le taxi, et en avant, vers l’aventure.

Et je vous assure que ce qui suit n’est pas du roman-feuilleton.


V.


Minuit sonnait au beffroi de ce petit village qui faisait face à la rivière.

Minuit. L’heure des crimes, des escapades amoureuses