Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/88

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suis prisonnier. Autour de moi, les autres s’agitent. Désarroi complet. R… me dit :

— Ils ont avisé le poste plus loin… On est allé chercher le lieutenant.

Je me laisse tomber sur un escabeau. Me voilà dans de jolis draps.

Brusquement, en tâtant mes poches, je me souviens que je suis tapissé de marks presque des pieds à la tête. Un tremblement monte le long de mon échine. S’ils s’avisent d’explorer mes poches ! Je subodore d’ici le scandale : « Un agitateur communiste arrêté à la frontière !… Le camarade Méric transportait de l’argent boche !… Grand complot… L’or bolcheviste !… », Cette fois, je suis fichu, déshonoré..

Et comment me tirer de là ?… J’ai presque envie de me précipiter sur les deux fonctionnaires impassibles, de les rudoyer, de m’esquiver à toutes jambes sur le pont. Avec un peu de promptitude et de décision !… Après tout, nous sommes quatre hommes résolus et la voiture peut nous mener loin…

Trop tard !… Le lieutenant vient d’apparaître avec une escorte d’agents en bourgeois. Il est furieux, le lieutenant. On l’a tiré de son lit, en plein sommeil.

Immédiatement, il m’interroge :

— Qu’est-ce que cette histoire ?… D’où venez-vous ? Que voulez-vous ?

Je le contemple, un peu amusé, en dépit de la situation. Il est burlesque à souhait, ce brave lieutenant. Une moustache hérissée, des yeux rieurs, l’air d’un Croque-mitaine bon enfant, il me rappelle les héros de la Grande Duchesse. J’ai, au bout des lèvres, un refrain :


Voici le sabre… le sabre !…
Voici le sabre de ton père !…