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Une mauvaise plaisanterie


Il est toujours plaisant de fouiller, au hasard, dans la hotte où s’entassent pêle-mêle les années poussiéreuses et les chiffons du souvenir. On y pique, d’un coup de crochet, les petits événements oubliés et l’on fait surgir les visages éteints. Le jeu est drôle.

Pour l’instant, je voudrais vous conter une vieille histoire qui fit quelque bruit à son époque — une histoire qui, au fond, n’était qu’une sale blague, laquelle s’accomplit et réussit avec une ampleur inespérée. On en jugera, plutôt, pour peu qu’on veuille me suivre.

En ce temps-là, nous étions quelques journalistes et militants qui villégiaturions dans l’agréable maison de campagne de la Santé. Notre crime consistait en des articles incendiaires ou des propos publics trop véhéments. Cela se passait sous le premier proconsulat de Clemenceau, girouette ministérielle, qui venait brutalement de piétiner ses plus pures convictions et brûlait cyniquement tout ce qu’il avait adoré.

Pour bien situer les faits, j’indique que nous étions en l’an de grâce 1909, au joli mois de mai, et que nous nous morfondions dans nos cellules. Que faire en un tel gîte, à moins que l’on ne songe… à se distraire un peu ? Nous décidâmes de tenter une blague, une formidable blague dont le président du Conseil, notre ennemi, était tout naturellement la victime indiquée.

Mais quelle blague ? Qu’inventer ? Nous nous étions