Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/12

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dans la bagarre. Il fut alors de toutes les réunions et manifestations d’avant-garde. On entendait, trois ou quatre fois par semaine, au fond des quartiers populaires, dans les salles de meeting, retentir sa voix claironnante où roulaient tous les cailloux de son pays. Ses attitudes, ses gestes larges et, parfois, comme bénisseurs, la façon dont il assénait sur le front des auditeurs, ses périodes les plus magnifiques et ses traits les plus empoisonnés, soulevaient les foules ivres de passion. Il connut d’éclatants triomphes. Et ce fut, au cours d’une de ces soirées délirantes, que je pus, enfin, l’approcher. Grandidier, son codétenu de la Santé, me présenta.

Je devais surtout le retrouver, pendant des années, fidèle à ce rite, autour de la statue d’Étienne Dolet, place Maubert. Ce lieu était l’occasion de furieuses manifestations anticléricales que conduisaient des hommes comme Viviani.

Où sont donc ces temps héroïques ? J’ai rencontré là, et aussi à la fameuse salle d’Arras, où tout se terminait par des harangues, des jeunes gens qui débutaient dans la carrière. Un de Monzie, par exemple. Un Albert Métin. Un Émile Buré, plus tard directeur de l’Ordre, alors hantant le Mouvement socialiste de Lagardelle. Mais j’allais oublier le plus beau. Il y avait surtout une sorte d’animateur qui se nommait Henry Bérenger — le sénateur-ambassadeur, parfaitement !

Quel chahut, place Maubert ! On jetait des fleurs et des couronnes sur le socle où se dresse le martyr. Les drapeaux de la Libre Pensée, les drapeaux rouges