Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/121

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Sa boutonnière est tachée de rouge. On l’appelle Léo Lelièvre.

Bravo Léo ! Dire qu’il manqua me « lancer » comme chansonnier de caf’‑conc’. Par malheur je n’avais pas le « truc ». Je faisais trop « littéraire ».

Le jour qu’il quitta le Cercle ce fut la débandade. Le caveau n’avait plus aucun charme. On se réfugia alors rue Champollion au cabaret de la « Bohême » où triomphait Gadbin, déjà nommé, et un certain Stein, bonisseur effarant doué d’une insupportable faconde. Ce sacré Stein était affligé d’un dangereux strabisme, d’une voix cassis-cognac et d’un accent qui fleurait outrageusement la barrière. Il imitait Bruant et couvrait de fleurs les clients. Son bagout donnait le vertige.

Quelque temps avant le cabaret de la Bohême, je l’avais rencontré à Marseille, où je terminais une tournée de conférences. Il avait monté, rue de Noailles, une sorte de « Chat Noir » qui ne faisait pas recette. On offrait au public du Privat et du Delmet de derrière les fagots. Mon ami Albert Villeval, de passage dans la cité phocéenne, s’amusait parfois, de sa superbe voix de baryton et avec sa diction si prenante, à débiter les couplets des Thuriféraires :


Hé ! là-bas ! les gueux sans asiles,
Crève-faim sans mailles ni sous,
Et tous les Robinsons sans îles…
              Qu’êtes vous ?

Ce qu’ils étaient, les Marseillais s’en souciaient fort peu. Ils préféraient le Palais de-Cristal ou l’Alcazar