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en ce temps) devaient être payés, faiblement il est vrai. On se mit promptement d’accord. Le journal fut baptisé l’Internationale et j’en devins le gérant en même temps qu’un des principaux rédacteurs, moyennant vingt-cinq francs par semaine.

C’était, ma foi, un curieux hebdomadaire, superbement illustré, vivant, combatif en diable. Le directeur-administrateur, Rollin, semblait décidé. Les collaborateurs se nommaient Aristide Briand, Henry Bérenger, Charles Dumont, Jean Allemane, Laurent Tailhade, etc. Et c’était là que j’allais, de nouveau, rencontrer le poète.

L’Internationale vécut quelques mois, glorieusement. Mais, bientôt, l’administrateur Rollin suspendait ses paiements. Il y avait du tirage. Seul, Tailhade avait réussi à se faire verser des avances. Car, presque toujours, il opérait ainsi et c’était un des côtés piquants de son caractère. Non qu’il fût homme d’argent, le malheureux ! Il n’en connaissait point la valeur et la monnaie filait entre ses doigts. Mais la propagande révolutionnaire et la littérature anticléricale, pas plus que la poésie, ne nourrissaient leur homme. L’impécuniosité, comme il aimait à le redire, était très souvent le lot de Tailhade, ce qui le conduisait à se présenter prématurément à la caisse.

— Mon cher ami, disait-il, avec sa désinvolture de gentilhomme, ces questions d’argent sont, entre nous, fort méprisables. Aussi, ne pensez-vous pas que, pour ne plus avoir à y revenir, il conviendrait une fois pour toutes, de me verser le prix d’une série d’articles ?