Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/203

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Fabre et le signataire de ces lignes, fonda cette terrible Guerre Sociale qui allait faire quelque bruit. À la tête de cet hebdomadaire, qui groupait derrière lui tous les éléments révolutionnaires, le petit professeur de Sens mena des campagnes retentissantes. Il devint tout-puissant sur les masses. Sur un signe de lui, l’insurrection pouvait se déclencher.

Je n’exagère en rien. On le vit bien, l’inoubliable mercredi soir, lors de l’exécution de Ferrer. La Guerre Sociale avait convié ses troupes à l’ambassade espagnole. Ce fut une véritable émeute. On se battit toute la nuit. Un agent fut tué, d’autres blessés. Le préfet de police d’alors, Lépine, eut l’oreille effleurée par une balle. Et jusqu’à l’aube, les bagarres se poursuivirent furieusement. On le vit également au matin de la guillotinade de Liabeuf, un innocent condamné à mort. Et je pense que si, à l’heure de la déclaration de guerre, Hervé avait tenu ses promesses d’antan et donné le mot d’ordre à ses troupes, il eût pu se produire un sérieux grabuge.

Pourtant, cet homme extraordinaire, qui peut se vanter d’avoir joui d’une popularité immense, était, dans le privé, un brave bourgeois, tranquille, sans besoins, sans ambitions. Son existence s’écoulait de la rue de Vaugirard, où il demeurait, à la rue Montmartre, où se trouvaient les bureaux du journal. C’était toujours le même itinéraire. Chaque soir, il partait de son pas paisible, descendait jusqu’aux Halles où il s’engloutissait dans le métro. Cette monotonie n’était rompue que par les réunions