Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/252

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Et c’est là que ça commence, vraiment, à devenir drôle.

Louis Martin, très connu dans le Var où il fut longtemps un candidat malheureux, était le plus implacable adversaire de Clemenceau. Aujourd’hui radical, il avait naguère scandalisé ses amis par son nationalisme et son antidreyfusisme.

Cet avocat, à l’éloquence nasillarde, n’apparaissait dans le Var qu’au cours des périodes électorales et pour combattre Clemenceau. Il fut plusieurs fois candidat contre lui. Ainsi Clemenceau faisait choix de l’homme qui s’était efforcé de le faire battre contre l’homme qui l’avait fait élire. Mais passons. Je voudrais simplement caractériser Louis Martin et son genre d’éloquence en quelques traits rapides. Il était « l’homme qui remercie ». À la tribune du Sénat, il débutait en remerciant le ministre qui…, le distingué rapporteur qui…, l’honorable collègue dont… De sa voix d’outre-nez, il ne cessait de psalmodier :

— Je… remercie… mon cher collègue… Je remercie le rapporteur du budget… Je remercie le secrétaire de la Commission…

Il remerciait tout le monde.

Qu’on me permette, à ce propos, de rapporter une anecdote que je crois bien avoir déjà servie dans les Hommes du Jour (et que je ne garantis point).

Louis Martin était invité à dîner, dans une maison amie. Discours au dessert. Le sénateur se leva, jeta un coup d’œil sur l’assistance, et :

— Je remercie Mme X… par les soins de laquelle nous avons passé une si excellente soirée… Je remercie