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Le citoyen Escartefigue, que j’ai eu le grand honneur d’apprécier, dans sa jeunesse, était un terrible compagnon anarchiste. Il s’appelait alors Jouvarin. Doué d’une éloquence impétueuse, il régnait à Marseille, dans les meetings houleux et les réunions électorales où il venait proclamer son superbe mépris du suffrage universel. Il exerçait, à cette époque, la profession d’ingénieur civil, vivait très simplement, très pauvrement même et bénéficiait de l’estime générale. Mais, au fond, l’ambition le mordait. Il songeait, non sans raison, que l’anarchisme ne mène à rien, si l’on n’en sort point.

Déjà, sous Jouvarin, perçait Escartefigue.

Un beau jour, il trouva son Chemin de Damas… sur la route de Toulon. Il vint, en effet, s’installer dans les alentours du Chapeau-Rouge et s’affirma socialiste. Son éloquence, sa barbe fluviale, son assurance attirèrent l’attention. Mon père s’intéressa à lui. Il vit, dans cet homme, jeune et plein d’ardeur, une force. Il le poussa, le soutint. Bientôt, Escartefigue, devenu populaire, était candidat au Conseil municipal.

À ce moment-là, le citoyen Escartefigue n’avait pas le sou, ce qui n’est pas un crime. J’étais logé à la même enseigne. Chose curieuse et que je dois signaler, nous étions employés, tous deux, chez un parfumeur de la rue des Pyramides. Moi, je m’occupais de la correspondance. Lui était représentant