Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/31

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Des gardiens complaisants me facilitèrent l’accès. On me conduisit dans un bureau où je déclinai nom et qualités. Tout ce monde-là était extrêmement poli, voire aimable. L’un des guichetiers, armé d’un trousseau de clefs, me poussa, en avant, disant :

— Les premiers jours, ça paraît drôle. Ne vous laissez pas impressionner.

Je me mis à rire. J’avais d’autant plus de raisons pour ne pas me laisser impressionner que, déjà, je connaissais tous les détours du quartier politique. Depuis des mois et des mois, j’y venais en pèlerinage, fidèlement, deux ou trois fois par semaine.

Il y avait toujours quelques pensionnaires de mes amis, dans ce lieu de rendez-vous de bonne compagnie, des militants syndicalistes, des rédacteurs à la Guerre Sociale. Nous vivions sous le premier proconsulat de Clemenceau, et ce champion de la liberté individuelle, ce paladin de la pensée libre, emplissait les prisons de journalistes.

Après avoir fait résonner mes souliers sur les dalles des couloirs, monté des escaliers, écouté le grincement des portes massives, j’aboutis, enfin, dans un petit parloir où se tenaient deux ou trois groupes chuchotant, les détenus et leurs visiteurs.

— Enfin te voilà ! fit la voix d’Almereyda, qui se leva, souriant. Ce n’est pas trop tôt.

Tous les prisonniers furent debout. Ils étaient quatre exactement, Almereyda déjà nommé, Eugène Merle et le bon Marchal, gérant de la Guerre Sociale. Enfin, Gustave Hervé, lui-même.