Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pujo exprimait, dans un article de l’Action Française :


« La certitude où chacun de nous était que son interlocuteur avait payé de sa personne amenait l’attention et l’estime réciproques. Nous avions montré le même tempérament et, dans nos doctrines respectives, nous étions également « intégraux ». Enfin, « nous avions une culture pareille ; nous n’étions pas plus des philistins qu’ils n’étaient des barbares » et, si opposés que nous fussions sur les questions politiques, nous pûmes nous accorder bien des fois sur les autres. »


Nous n’étions pas des barbares. Nous le sommes devenus par la suite. Mais pour l’instant, nous l’étions si peu que cette sombre barbe de Pujo nous attirait, dans sa cellule, pour nous infliger la lecture de quelques centaines de vers (en douze pieds ; lui faisait le treizième) à la mémoire de Jeanne d’Arc.

Redoutables soirées. Maxime Réal del Sarte lui-même en avait froid dans le dos. Il nous suppliait de l’accompagner, estimant qu’à plusieurs le supplice serait plus supportable. Mais quand je me remémore, après tant d’années, le barde aux grands pieds, débitant d’une voix nasillarde son interminable poème, j’en viens à me demander si le microbe de l’encéphalite léthargique n’a pas pris naissance à la Santé.

Peu après, dans le petit jardin, large comme un mouchoir de poche, le chantre de la Pucelle passait son bras sous le mien et me confiait ses souvenirs de jeunesse.