Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/6

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invectives et l’audace de ses blasphèmes, plus peut-être que par son lyrisme marqué du plus pur classicisme, avait conquis des âmes de vingt ans, des esprits téméraires qui s’affirmaient et s’imaginaient des libertaires et des révoltés.

On savait, de lui, ses aventures de jeunesse et comment une bombe stupide lui valut, non seulement d’être dangereusement blessé, mais aussi d’être bafoué par tous les laquais de l’écritoire qui prospéraient, à cette divine époque, comme, hélas ! à la nôtre. On le révérait ainsi que le maître de toute une jeunesse ardente, enthousiaste, qui ne songeait qu’à la lutte et rêvait de sacrifices féconds. Je crois que cette période gonflée de présomption est demeurée sans lendemain. Chaque temps a la jeunesse qu’il mérite.

Le poète était, alors, un des rédacteurs du Libertaire, qu’administrait le bon Louis Matha, à la barbe fleurie. Je donnais moi-même des papiers à cette honnête feuille. J’étais donc le collaborateur de Tailhade, et il y avait là de quoi hurler d’orgueil. Cependant, le malheur voulut que je ne rencontrasse jamais le maître. D’autres, plus favorisés, et qui s’appelaient Miguel Almereyda, Fernand Desprès (aujourd’hui communiste et rédacteur à l’Humanité) l’approchaient très souvent. Je ne savais, sur le poète, que ce qu’ils voulaient bien me confier.

Un beau matin, Laurent Tailhade publia, dans ledit Libertaire, un article qui fit scandale. C’était l’inoubliable époque qui vit le tsar, Nicolas II, reçu, parmi des fêtes splendides, dans la bonne ville de