Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/76

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à la liberté, le gouvernement prit le parti de nos jeter dehors. Comme je vous le dis. On vint nous saisir un beau matin ; on nous traîna au greffe et l’on nous cria : Allons ! Ouste ! Dehors !

À ce moment-là, j’avais encore trois ou quatre jours à tirer. Le bénéfice était maigre. Mais Almereyda, Merle, Marchal y trouvaient leur compte.


Tout de même, voyez-vous, c’était bon, la liberté. Comment dire cette sorte d’ahurissement qui s’empare d’abord de vous, avec l’étonnement de mille habitudes retrouvées, de mille choses reconnues ; l’ivresse, la fatigue des premières heures quand on se revoit au milieu des amis, avec le droit d’aller, de venir, sans contrainte, sans obstacles. Il semble qu’on revient d’un pénible voyage, qu’un long exil est terminé. Il y a du soleil, des toilettes claires de femmes, des terrasses bondées, du bruit, de la joie. La Vie qui recommence !

Ainsi se termina cette joyeuse villégiature dont je n’ai fixé que les détails essentiels ou amusants. Je n’ai pas voulu noter les instants de désespérance et de morne ennui. À quoi bon ? Et j’ai presque envie de conclure comme ces imbéciles qui chevauchent leurs souvenirs de caserne : C’était le bon temps.

C’était le bon temps, parce que nous étions jeunes et gavés d’illusions. Depuis, des années et des années ont pesé sur nos fronts, blanchi nos tempes. D’autres bagarres nous ont sollicités. D’autres condamnations sont venues s’ajouter aux premières et nous composer un joli total. Puis la guerre, des reniements, des défaillances,