Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de lavallière, construits en velours à grosses côtes. Ils traînaient des souliers baptisés pompes, probablement parce qu’ils aspiraient toute l’eau des ruisseaux, et arboraient des chapeaux invraisemblables. Je ne garantis point que leurs tignasses rebelles aux caresses du peigne constituaient des flots absolument déserts.

Ces patriarches auxquels on se frottait avec autant de crainte que de vénération étaient merveilleux. Ils collectionnaient les aventures les plus abracadabrantes. Ils savaient tout. Ils avaient tout vu. Ils parlaient de leur « autrefois » avec lyrisme. Je puis assurer qu’on les écoutait avec respect et qu’on méditait leurs leçons. Quelques-uns, d’ailleurs, s’étaient vus à l’honneur avant d’être à la peine, et quand ils ouvraient le sac de leurs souvenirs, c’était comme une bénédiction.

Je revois la barbe assyrienne du père Jacquemin, un des clients fidèles de cet « Habitué » que mon vieux compagnon André Salmon, a fait revivre dans ses Tendres Canailles. C’était, disait-on, un ancien architecte pour lequel la vie n’avait eu aucune clémence. Il fréquentait, aux temps orageux de sa jeunesse, les Richepin, les Pelletan, les Bouchor. Plus tard il accueillit Jean Lorrain, qui le fourra dans un de ses livres. Quand les jeunes que nous étions l’approchèrent, il traînait lamentablement ses pas incertains et sa démarche titubante aux alentours de la rue Dauphine.

Par la suite, il poussa une pointe, en notre compagnie, hors de la « Bustoc », jusqu’à cette fameuse