Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/9

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Tailhade entra en prison à la Santé. Tout ce qu’il y avait alors de plumitifs réactionnaires et nationalistes exulta. La joie était immense dans ces milieux. Ils étaient si nombreux, ceux que le poète armé du fouet de la satire avait fouaillés sans pitié ! Mais, par contre, toute la jeunesse dont j’ai parlé, tout ce qu’il y avait de généreux et de noble dans le pays, applaudit au geste — c’était bien un geste — de l’écrivain qui, sans doute avec une véhémence passionnée, mais aussi avec un ardent amour de la liberté, venait de se dresser, seul, contre un despote sanglant.

Or, un soir, comme je pénétrais dans les bureaux — les pauvres bureaux ! — du Libertaire, je trouvais Matha fort soucieux.

— Tenez, me dit-il, lisez donc ce que Tailhade m’écrit.

Il me tendit une feuille de papier. Je lus. Des années ont coulé depuis sur mon crâne, mais je n’oublierai jamais le sursaut de stupéfaction que me procura cette lecture.

« Monsieur, écrivait Tailhade, vous m’avez fait insulter par un insecte tombé de votre belle barbe. »

Suivaient quelques magnifiques injures comme seul Tailhade savait les prodiguer.

J’interrogeai Matha :

— Que signifie ?…

Ce que cela signifiait ? C’était bien simple. Un des jeunes rédacteurs du Libertaire, un nommé Robert