Page:Méric - Les Bandits tragiques.djvu/132

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peu en dehors des milieux anarchistes[1]. Car, il ne faut pas craindre de le dire, c’était au début, des âmes craintives qu’irritait le spectacle quotidien des iniquités et des souffrances, et des âmes supérieurement trempées. Ils ont fait le mal, ce qu’on appelle le mal, par défaut de jugement.

Des malfaiteurs, certes. Des bandits, c’est entendu. Mais convenons-en aussi, surtout et avant tout, des fous et des victimes.



Mme Rirette Maîtrejean, qui vécut au centre de l’illégalisme et put en observer les développements, a publié jadis des mémoires qui ne manquent pas d’intérêt. On y cueille des anecdotes

  1. Bonnot, en effet, était ignoré des anarchistes de Paris. Il s’était échappé de Lyon en auto, à la suite d’un vol. Le hasard le conduisit parmi les théoriciens de l’illégalisme. Un ami lui avait recommandé de voir Dieudonné qui raconte ainsi la première entrevue qu’il eut avec lui :

    « J’aperçois un homme de taille moyenne, fort bien mis, avec simplicité et goût. Il vient vers moi, la main tendue. Il est accompagné d’un camarade du groupe libertaire qui me connaît. Ne sachant qui il est, je demeure un peu perplexe.

    « Il se nomme. C’est Jules Bonnot.

    « Jules Bonnot, un nom quelconque. Un inconnu.

    « — Veux-tu venir te promener, m’invite-t-il. Je préfère être seul avec toi pour causer… »

    Dehors, Bonnot demande à Dieudonné si, le cas échéant, il voudrait bien lui donner l’hospitalité. Dieudonné répond affirmativement. Mais les jours suivants, il l’interrogea avec plus de précision :

    « Il me demande alors si dans mes relations, Fromentin (l’anarchiste millionnaire) par exemple, je ne connaîtrais pas des affaires pour lui. C’était, je me rappelle, sur le boulevard Magenta, relativement désert à cette heure tar-.