Page:Méric - Les Bandits tragiques.djvu/144

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— Ça peut durer longtemps, très longtemps, appuyait Callemin.

— Ça durera toujours autant que nous, conclut Garnier, avec un gros rire.


Et il réclama l’addition.

Certes, à ce moment-là, Raymond la Science et son ami Garnier n’étaient plus les mêmes hommes que l’autre soir. Ce n’étaient pas davantage les théoriciens péremptoires et violents de Romainville. Perdus, marqués pour la mort, n’ayant plus le goût de la lutte, ils attendaient l’instant fatal, inévitable, où il leur faudrait payer leur dette.

Étrange milieu que celui qui produisit de tels êtres surhumains, capables de tout le bien et de tout le mal. Étrange et déconcertant milieu, où l’on put voir des professeurs d’illégalisme tirer tranquillement leur épingle du jeu, alors que leurs élèves bouillant d’ardeur, emportés par la passion, couraient sur les routes du crime. C’était, par certains côtés, une véritable cour des Miracles où tous les ridicules, tous les travers et toutes les déchéances s’associaient. Ce fut, par instants, une formidable école d’énergie. Ce fut, aussi, hélas ! un repaire. Mais tous ceux qui ont pu s’en échapper et se refaire une vie plus normale n’ont pas tous emprunté la voie de l’illégalisme selon Garnier ou Valet ou Callemin. Il en est qui, ayant jugé et pesé la Société moderne, ont eu recours à des moyens légaux pour opérer leur redressement et accomplir leur trouée. On