Page:Méric - Les Bandits tragiques.djvu/151

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Il avait la manie, en parlant, de faire des moulinets avec son bras droit qu’il jetait, tout à coup en avant comme pour pourfendre son interlocuteur.

Sa culture était immense. Il connaissait le latin, le grec, l’allemand et plusieurs autres langues vivantes. Il savait par cœur Rabelais, se délectait d’Anatole France.

Dans les balades anarchistes, il n’était pas rare de le rencontrer, demi-nu, un tronc d’arbre à la main. Il s’affirmait l’homme des bois.

Ses articles de l’Anarchie révélaient un style bien personnel et savoureux où explosait à chaque ligne la haine irréductible des boutiquiers et des concierges. On y épinglait des phrases de ce genre :


« Parce que j’omets souvent de parer mon crâne d’une incohérente coupole de feutre, la réprobation règne sur le visage de mon portier. »


« On a sa dignité, comme dit mainte épicière, et je ne voudrais pas être assimilé par quiconque à un honnête homme. C’est pourquoi je me considère volontiers comme un dévoyé magnanime et souriant comme une crapule surhumaine. »


« Et toi, funeste boutiquier, type hilare, bedonnant de corps et d’âme, tu passes en douceur des haricots vieux de trois années et des souhaits nauséabonds.