Page:Méric - Les Bandits tragiques.djvu/192

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« Dans cette puanteur, M. Desmoulins, le graveur connu, visiteur des prisons, vient nous voir, Kibaltchiche et moi. Il est accompagné — par quelle faveur ? — du prince Jaime de Bourbon[1]. Tous deux apportent quelques friandises. Ils pensent aussi, sans doute, à quelques mots de réconfort… mais ils demeurent médusés : nous voici, Callemin, De Boué et moi, en grande discussion sur La morale sans obligation ni sanction, de Guyau !

« Les gardes se montrent nerveux, inquiets.

« Une étrange fièvre s’empare de nous trois. Nous nous mettons à parler tout haut, très haut.

« L’éclat de nos voix parvient jusqu’à la salle voisine, où est enfermé Kibaltchiche.

« Il vient jusqu’à la porte de séparation, nous regarde avec curiosité. Enfin, il me sourit doucement, et s’en retourne.

« Soudy se met de la partie. Tout son répertoire d’argot y passe.

« Nous parlons si fort, si longtemps, de choses qui ne touchent nullement au procès, qu’un garde inquiet va chercher l’officier de service.

« Celui-ci nous écoute un quart d’heure durant. Il a, à la fin, un sourire étonné, et s’en va, indulgent.

  1. Cette dernière nuit mortelle, de nombreuses « personnalités » tinrent à voir de près les accusés, comme on va voir des fauves dans leurs cages. Et ce ne fut pas le moins répugnant de l’histoire.