Page:Méric - Les Bandits tragiques.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En effet. Impossible de les situer dans la catégorie des bandits ordinaires et crapuleux. Du reste il ne hantèrent jamais les milieux dits du crime. Ils ignoraient et méprisaient superbement le monde des apaches, des souteneurs. Il faut donc qu’il y ait eu dans leurs actes tragiques et criminels, d’autres mobiles. Il faut, pour bien les connaître, plonger dans leur conscience.

M. Michon observe qu’ils sont tous « anarchistes individualistes » et atteints de « l’hypertrophie du Moi ».

Jugement un peu téméraire. Il y a autre chose, notamment le détraquement de leur conscience et de leur intelligence, consécutif à une éducation monstrueuse ; une fausse vue des choses ; une compréhension anormale de la vie, des droits et des devoirs de l’être.

Tous ont une certaine culture. Ils ont lu énormément et ils ont lu sans grande préparation. Ils hantent Schopenhauer et le citent. Ils fréquentent Nietzsche, Stirner, Le Dantec, Gustave Le Bon… Quelques-uns d’entre eux ne vivent que par la science et c’est ce qui vaudra à Callemin son sobriquet de « Raymond la Science ». Ils sont poètes aussi. M. Michon cite ce poème dû à De Boué, intitulé :


LA MISÈRE

Dès le berceau des conquérants,
À l’ombre triste de leur gloire,
J’ai tissé mes haillons traînants
Et fait ma couche de boue noire.